1 - "Lorsqu'on manipule beaucoup d'argent, il vous
en reste toujours un peu de collé aux mains" :
Un jour que j'étais dans le bureau de Louis Cagniard et qu'il avait
un peu de temps libre et envie de parler, il se laissa aller à me raconter
sa vie et notamment son expérience de P. D. G. dans deux petites sociétés
de recherches pétrolières qui travaillaient au Moyen Orient.
Des banques qui souhaitaient investir dans la recherche pétrolière,
qui était très en vogue à l'époque, étaient allées le chercher alors
qu'il était à la faculté de Lille, en raison de ses diplômes et de ses
connaissances dans le domaine de la géophysique.
Hélas et pour des raisons diverses ces sociétés ne connurent pas le
succès espéré et durent fermer ou être reprises par des concurrents,
mais il s'en tira très correctement sur le plan financier.
C'est à la fin de l'entretien et de ce bref résumé de sa vie qu'il me
lança en guise de conclusion et de conseil cette phrase que j'ai eu
depuis l'occasion de citer des dizaines de fois :
"Mon cher Pétour, vous savez, lorsque vous manipulez beaucoup d'argent,
il vous en reste toujours un peu de collé aux mains".
2 - La chance :
Un autre jour, lors d'un entretien, alors qu'il se laissait aller sur
le plan des confidences, il me dit d'un ton paternel ces quelques mots
qui semblaient résumer un peu son expérience de la vie :
"La chance, il faut être prêt à la saisir lorsqu'elle passe à votre
portée car elle n'y repassera peut-être plus jamais. Il y a des gens
pour qui elle passe plusieurs fois à leur portée au cours de leur vie
et d'autres qui n'ont hélas jamais cette chance".
J'ai toujours conservé en mémoire ce conseil en l'appliquant aux gens
de mon entourage pour tenter de mieux les comprendre.
3 - Le cigare :
Un autre jour il m'avoua que lorsqu'il était directeur dans le privé
et qu'il était en discussion d'affaires importantes, il s'en était tiré,
maintes fois, grâce à son cigare qu'il s'arrangeait toujours à allumer
dans de telles occasions car, me confia-t-il :
"lorsque j'étais en difficulté, je tirais alors une longue bouffée
qui me permettait de gagner quelques précieuses secondes pour préparer
mon argumentaire".
Il me confia ne prendre aucun plaisir à fumer le cigare mais, dans de
telles circonstances, fumer son cigare lui fut souvent une aide précieuse.
En résumé,
de Louis Cagniard je garde le souvenir d'un homme au crépuscule de la
vie et qui avait le sentiment d'avoir bien réussi celle-ci. Il était
bon avec nous et nous traitait comme il l'aurait fait avec ses enfants
qu'il n'eut jamais la chance d'avoir. Au CNRS il prenait, me semble-t-il,
plaisir, grâce à son expérience du business acquise dans le privé, à
passer avant les autres pour ce qui était de l'attribution de subventions.
A titre d'exemple le budget de Garchy était environ 20 fois supérieur
à celui d'un chef de laboratoire d'électricité de Rennes que j'avais
eu l'occasion de rencontrer à cette époque et qui avait le même nombre
de "thésards" dans son laboratoire.
Pierre Pétour